Mouvement marginal dans une société marginale, le visual kei est en passe de s’insinuer en France après avoir enfin trouvé sa route pour éclore en tant que véritable genre au Japon, différent du Jrock habituel. En effet les groupes visual grimpent progressivement les marches des classements musicaux du pays du soleil levant et grâce à quelques passionnés commencent à vendre leurs CD et DVD en France.
Le Jrock est tout simplement le terme utilisé pour définir la scène pop-rock/rock/hard rock/néo-métal japonaise. Parmi ses artistes majeurs actuellement, on retrouve Gackt, L’Arc-en-ciel, Balzac, Guitar Wolf, Blaze, Bump of Chicken… Tout comme la scène française, le jrock a du mal à se renouveler et la plupart des artistes sont issus des années 90 et avant.
Visual kei ! Tout d’abord, ce terme va grandement aider à cerner le mouvement : « visual » est bien évidemment une référence au visuel, et « kei » peut avoir plusieurs significations : groupe, mouvement, influence, style… Dans tous les cas le principe est le même : l’apparence compte autant que la musique. La différence entre le visual kei et le jrock, c’est donc simplement que le visual met l’accent sur une image élaborée et une musique légèrement plus excentrique. Il y a plusieurs sous-genres dans le visual, comme l’oshare kei, l’angura kei, l’eroguro, le shironuri kei… Les différences entre ces sous-genres sont parfois tellement minimes qu’il est très difficile de classer les différentes formations… Attention, le terme de visual kei (et souvent la plupart des autres appellations, hormis peut-être l’eroguro) a été donné par les fans et non par les musiciens, malgré les rumeurs somme quoi ce serait un terme créé par hide, guitariste de X Japan.
Mais revenons au visual en lui-même : nous avons donc di que les groupes de visual avaient une image très élaborée. Cela peut aller du gothique au punk, en passant par un look futuriste, pirate ou inspiré de la renaissance française ; ce monde est aussi très influencé par la culture manga actuelle (et réciproquement) au niveau des coupes de cheveux, mais aussi des formes de vêtements qui mettent en valeur les silhouettes fines et élancées, démultiplient la taille des jambes grâce à des platform-shoes et autres trompe-l’œil, ainsi qu’une certaine androgynie revendiquée. Si certains groupes peuvent avoir une apparence glauque et malsaine, voire effrayante, d’autres ont des apparences plus joyeuses et lumineuses, plus colorées et souvent bien plus enjouées. Une autre tendance assez notable est le fait que lorsqu’un groupe passe major, ils laissent souvent peu à peu tomber un look très excentrique pour un nouveau style plus commun et acceptable par le grand public, même s’ils gardent un aspect souvent élaboré et calculé.
Du côté musical, le visual aime le mélange des genres : les mots-clés voire l’aspect théâtral du gothique, les guitares métal, avec une tendance mélodique pour le leader, la batterie énergique du punk… Bien entendu, la plupart des groupes va puiser d’autres inspirations, mais ces éléments sont presque toujours présents. Dans le visual d’aujourd’hui, la majorité des genres sont représentés : pop, rock, néo-métal, voire industriel avec utilisation de synthétiseurs voire chansons inspirées de la musique classique. Dans la structure musicale, les chansons suivent souvent le schéma couplet-refrain-couplet-refrain-pont-refrain, mais certaines variantes existent. Le visual est souvent assimilé au rock gothique car la Japon ne possède pas de véritable scène gothique ; néanmoins, les différences sont grandes :
- la musique gothique utilise plus de synthétiseurs (cela est très rare dans le visual kei)
- la musique gothique est moins rapide et énergique que le visual kei
- l’idéologie générale du gothique est la fatalité et des choses comme « la tragédie est la beauté de la vie », sentiment absolument absent du visual kei.
Le visual en emprunte bien plus au néo-métal dans sa structure mélodique.
Les paroles quant à elles n’ont pas souvent de sujet spécifique, cela peut aborder tout et n’importe quoi même si les problèmes de société sont les thèmes les plus populaires, en particulier les problèmes psychologiques et mentaux, folies en tout genre, etc… Le vocabulaire utilisé est souvent celui de la rue et il faut bien avouer que les auteurs littéraires sont relativement rares.
Non, surtout pas !!! Malgré ce que vous pouvez voir, ce sont presque tous des hommes, des vrais ! C’est justement ce jeu sur l’androgynie qui est une des signatures du visual kei. Mais nous ne vous en voulons pas : très souvent, les artistes visual sont pris pour des femmes. C’est un fait. Mais en vérité, les artistes sont quasiment tous des hommes, les femmes se comptant sur les doigts de la main : Kana ; les quatre filles de Majan ; Kuroneko, chanteuse du groupe Onmyouza ; et Inugami Kyouko, chanteuse d’Inugami Circus-dan sont les seules femmes à notre connaissance. La plupart de groupes assument clairement leur androgynie et l’utilisent le plus possible. Les looks féminins voire les travestissements sont d’ailleurs monnaie courante !
Au sens commun du terme, non. En effet, il y a au Japon une longue tradition du travestissement dans le théâtre Kabuki, dans lequel le visual kei semble puiser un bon nombre d’éléments. Il faut aussi prendre en compte le fait que contrairement aux sociétés occidentales où les religions chrétiennes insistent constamment sur l’idée de morale, la société japonaise n’a jamais eu ce cadre net à cause de sa dominante shintoïste (croyances aux mythes et légendes) et bouddhiste (même si le gouvernement japonais ne tolère toujours par l’homosexualité et possède des valeurs conservatrices). Les jeunes hommes s’habillent souvent ainsi parce qu’ils aiment ce genre de vêtements et la scène leur permet de se relâcher vis-à-vis de la société rigide japonaise qui impose uniformes et costumes cravates sobres. Pour terminer à ce sujet, il faut aussi penser que la plupart des garçons japonais ont une physionomie androgyne jusqu'à leurs 25 ans environ (mais quelquefois beaucoup plus), et certains sont même imberbes… La société de consommation japonaise consacrant comme toutes les sociétés riches et développées l’idéal de l’homme viril, le visual est aussi probablement un moyen d’utiliser son « handicap » pour en faire un atout, et non des moindres.
Et non, bien au contraire ! Même s’il s’agit principalement d’hommes sur scène, la cible est claire et nette :
les jeunes filles ! Tout est fait pour elles et c’est souvent les hommes qui sont effrayés par ce milieu où les femmes ont le pouvoir ! En effet, les filles représentent entre 75% (pour des groupes comme Dir en grey par exemple) et 95% du public (Vidoll, Gazette…). Les musiciens eux-mêmes semblent parfois craindre cette foule de fans…
C’est quelque chose de très difficile à expliquer dans la mesure où la société occidentale est rarement en mesure de parler de cela sans le qualifier de tabou. En effet, vous aurez probablement constaté l’attirance des femmes envers les androgynes (dans les émissions de télé-réalité par exemple, observez bien qui est le chouchou du public…). Dans le monde du visual kei, cette attirance est exploitée par les groupes et c’est la cause de leur popularité : il faut malheureusement accepter le fait que le visual est souvent plus apprécié pour le physique de ses artistes que par ses oeuvres elles-mêmes. Mais bon, après tout, c’est eux qui l’ont cherché…
Plus généralement, le public –souvent très jeune, le visual étant souvent rejeté par les adultes- est souvent séduit par l’absence de préjugés : ce n’est pas parce que untel porte une minijupe avec des jambières qu’il est forcément dérangé ! Ainsi, les fans eux-mêmes, poussés par leur passion, finissent par eux aussi oublier ces préjugés et osent s’exprimer tels qu’ils sont, excentriques ou pas, provoquants ou non… Le public est donc souvent une « élite » morale, grâce à son ouverture d’esprit et son assurance à l’encontre du regard des autres qui paralyse tellement de jeunes mal dans leur peau : on dénombre ainsi que très peu de suicides du côté des fans du genre par rapport à la moyenne japonaise.
En voilà une bonne question ! Sachez dès le départ que la France est (tout comme pour les mangas) le deuxième consommateur et la deuxième plus grosse communauté de fans de visual kei dans le monde, après le Japon bien sûr. Le véritable progrès dans le milieu en France a eu lieu en 2004 avec les premiers concerts de BLOOD et KISAKI PROJECT entre autres, la visite de Mana à la Japan Expo avec l’annonce de son projet de tournée européenne mais aussi celui de l’ouverture d’une boutique de sa marque de vêtements gothic lolita Moi-Même-Moitié à Paris, l’explosion véritable du groupe français Kairo et l’ouverture de la filiale de Free Will en Europe en plus des quelques sorties réalisées chez le label manga Mabell. Sans oublier les désormais traditionnelles Jrock Session mensuelles au Piano Vache (café qui a servi pour le tournage du clip de Place des Grands Hommes de Patrick Bruel, par exemple) qui sont des soirées d’écoute gratuites de Jrock mais aussi (et de plus en plus) et visual kei.
En 2005, le rythme s’est intensifié avec la naissance de nombreuses associations comme Kazane ou Katashiro qui souhaitent promouvoir le visual kei en France au moyen des concerts et la distribution de CD, DVD et goodies, mais aussi en rassemblant les fans. Il y a aussi les concerts qui augmentent en capacité et en prestige, comme celui de Kagerou en février ou la tournée de Moi Dix Mois en mars.
Les artistes qui sont venus en France le disent : le public français est clairement différent du public japonais. Tout d’abord, il comporte bien plus de garçons (à part égale avec les filles en fait) et est souvent qualifié de plus énergique, ce qui permet des concerts à l’ambiance folle !
Bref, si le visual n’est réellement underground que par son esthétique –musicalement ce n’est qu’un dérivé du jrock, bien que plus excentrique- c’est un mouvement à surveiller de près…
Le Kabuki est le théâtre traditionnel japonais. Son nom est composé de trois kanji signifiants respectivement « musique », « danse » et « jeu de scène ». Ses origines remontent au XVIe siècle, ou des artistes de rue, les Kabukimono (« ceux qui sortent des sentiers battus) se déguisaient en étrangers et jouaient des scénettes. A ce moment, une prêtresse nommée Okuni intégra la danse dans ce divertissement populaire : Okuni est considérée comme la créatrice du théâtre Kabuki, bien que celui-ci n’avait pas encore la forme que nous connaissons aujourd’hui. Ses premières représentations ont été estimées vers 1603.
En représentation à Kyoto, la prêtresse se déguisait alors en homme (un étranger, le but n’étant pas de se travestir mais de passer pour un « barbare ») pour jouer des scénettes où elle racontait des histoires d’hommes fréquentant des prostituées dans un bordel. Les véritables prostituées s’en emparèrent alors, la seule différence étant qu’elles couchaient avec les spectateurs à la fin de la représentation… Devant cette immoralité, le pouvoir en place (les Toguwa) interdit alors par un décret tout personnage joué par une femme.
Ce sont alors des jeunes hommes qui vont jouer les femmes : c’est la naissance du Wakushu Kabuki et des Onnagata (« à la manière des femmes ») qui existent encore de nos jours.
Mais devant l’attirance de certains spectateurs vis-à-vis de ces jeunes acteurs à l’apparence si féminine, les autorités sévissent encore et seuls les hommes mûrs pourront désormais jouer les femmes… c’est aussi l’apparition des coupes de cheveux réglementaires, par exemple. Et le Kabuki est désormais plus orienté vers le jeu de scène et l’histoire que la danse et le chant.
A partir de là, le Kabuki va pouvoir s’épanouir dans la forme de théâtre que nous trouvons aujourd’hui pour devenir une vraie forme d’art.
Article écrit par Kotoko et provenant de Kazane.